L'Art des Muses - La Musique naît de l'accent de vérité Antériorité du langage ou de l'uvre ? Confusion actuelle du signe et du symbole Du temps de notre bon classique Les éléments de base de la musique - Un grand oublié : l'accent Polythéisme musical - Polyphonie et monodie Le dernier carrefour ou la "profession de foi" de Rossini Conflit des puissances chtoniennes et célestes Rossini annonciateur désolé de la musique contemporaine Musique, science et conscience Quelques principes de base destinés à renouer avec l'origine Harmonie était la fille d'Arès et d'Aphrodite. N'y a-t-il pas dans cette union, tout un programme destiné à rendre créateurs, à transcender, souvent sans le savoir, ces deux mouvements fondamentaux de l'âme : la colère et l'amour aussi nécessaires l'un à l'autre que la nuit et le jour ? Nous voilà loin d'une sèche technique et nous pouvons d'ores et déjà nous ouvrir à cette réalité fondamentale selon laquelle une véritable science de l'harmonie musicale, une authentique étude des accords, que le discours soit monodique ou polyphonique, ne peuvent être séparées d'une étude de la psyché, de la connaissance de soi et de la quête des raisons mêmes de notre manifestation en ce monde ? Antériorité du langage ou de l'uvre ? En notre temps de technicité et de recherche formelle, la question vaut d'être posée. Elle est essentielle. Dans une conversation pleine de sagesse recueillie à la fin de ses jours, en 1978, Nadia Boulanger qui enseigna la composition de longues années, déclarait : "Celui qui cherche parce qu'il a quelque chose à dire, eh bien ! il trouve les outils qu'il lui faut. S'il cherche n'ayant rien à dire, on peut s'attendre à un résultat négatif". Il est vain de séparer le langage de l'uvre. Le projet créateur est inséparable des formes manifestées qui lui accorderont sa réalité. Mais, me dira-t-on : "Et en musique ? " La musique n'est pas un art de l'écriture visuelle et son langage sonore ne peut pas être réellement traduit par écrit. Croire à la fidélité de cette traduction est la cause de cette matérialisation de la musique qui fait que celle-ci devenue inoffensive peut être écoutée comme musique de fond et qu'elle est souvent réduite, pour compenser, à des effets quantitatifs vulgaires. Confusion actuelle du signe et du symbole "La musique ne se lit point des yeux." (Chérubini, 1812). Le signe musical conventionnel bien perçu, ne recèle pas, en lui-même, le projet créateur, ni son langage expressif, ni ses formes manifestées dans le corps et l'âme interprètes, ni son mouvement profond, idéal, ni sa lumière, ni sa vision, ni sa violence ou sa douceur, ni sa prière, ni aucune des énergies symboliques qui animent pourtant toute création musicale et poétique vraie. Le signe pourrait être représenté autrement. Il l'a d'ailleurs été. Le signe conventionnel ne sert qu'à aider la mémoire par le moyen d'un code visuel ne transmettant que le squelette du réel à reconstituer. L'étude du squelette est fort insuffisante en musique comme elle le serait en médecine. S'attacher à développer inconsidérément ce code, à le compliquer à l'excès : c'est fatalement lui accorder une importance qu'il ne peut avoir; c'est devenir son prisonnier et par là perdre la faculté d'éveiller la réalité symbolique, sa puissance vibratoire et d'évocation qui sont du domaine de l'insaisissable, de l'indéfinissable et pourtant, en même temps, le seul "langage création" réel. Du temps de notre bon classique On ne croyait pas encore (ainsi que nous le verrons à
propos de l'accent) que le signe conventionnel puisse se substituer à
l'univers sensible et symbolique ni receler ses secrets. Ce bon classique
tellement rabâché et que nous écoutons souvent en
dormant à moitié pour notre confort moral, nous arracherait
sans aucun doute à notre torpeur si soudain, nous l'entendions
tel qu'il était rendu en son temps. Peut-être ne l'accepterions-nous
pas et ce serait bien ainsi dans la mesure où nous avons sûrement
autre chose à faire et à écouter et où, si
nous voulons encore vivre, nous devons faire comme nos ancêtres
qui ne vivaient guère, eux, que de "musique nouvelle",
les uvres jouées plus de vingt années étant
rares autrefois... "Mais moi je vis de musique contemporaine"
dit l'amateur de "pop".... D'aucuns diront qu'après tout,
la vraie musique contemporaine : c'est la variété, le rock,
la pop et le disco.... Il n'y a rien à répondre à
cela qui, par un côté des choses, peut paraître exact ;
sinon, sans entrer ici dans un examen de conscience nécessairement
fort étendu, qu'il n'en demeure pas moins vrai que le "passéisme
musical" classique et folklorique (que la pop elle-même exploite),
répond indiscutablement à un besoin secret qui se répand
hors des pays de culture occidentale et que la pop ne saurait combler.
Ce besoin d'une vraie tradition, d'une idéalité, même
affaiblie par le temps, l'usage et l'assujettissement au signe, révèle
une formidable attente, l'aspiration profonde à une nouvelle naissance
qui ne peut pas ne pas venir. Et cette nouvelle naissance ne pourra pas
ne pas rejeter cette aliénation de l'individu à la quantité
sonore artificielle, à la technologie mise au service de la déformation
de la manifestation humaine : toutes choses qui ne sont que la continuation,
dans le même sens, de ces musiques décousues et "à
fracas" que le grand public dénonçait dès la
première moitié du XIXème siècle, percevant
déjà, derrière ces déviations, l'assujettissement
de l'homme à ses techniques, et à une structure sociale
écrasante ; une structure déjà impuissante à
créer et réduite à piller le patrimoine culturel
des peuples. Les éléments de base de la musique - Un grand oublié : l'accent Si nous n'avons pas voulu aborder ici l'examen des éléments
de base de la musique, c'est parce que, ainsi que nous l'avons dit plus
haut, l'essentiel : c'est l'uvre qui trouve toujours ses matériaux
de construction. Et tant de livres ont été écrits,
depuis des millénaires par des théoriciens qui n'ont rien
laissé d'autre qui vaille ! Ainsi que l'écrivait Grétry
dans ses vieux jours : "Que de musiciens nous ont donné leurs
rêveries, leur bêtise fondamentale pour des règles
de l'art ! ".On a donc pris l'habitude de dire que les
éléments de base de la musique sont : l'intonation, le rythme
et le mouvement. L'intonation situe deux sons l'un par rapport à
l'autre au niveau de la hauteur à laquelle chacun d'eux résonne,
dans la mesure où ils peuvent être repérés.
Le rythme établit entre les sons des rapports de durée.
Quant au mouvement qui peut aussi être extrêmement varié
au cours d'une même séquence musicale, il détermine
le plus souvent comme une impression d'ensemble plus ou moins lente ou
rapide. Mais l'essentiel est toujours dans "l'ailleurs" : l'accent
insaisissable et créateur. Polythéisme musical - Polyphonie et monodie Plusieurs ont accusé la polyphonie européenne
d'exprimer l'éclatement de la Totalité que la monodie de
type grégorien aurait représentée. Ce n'est pas si
simple. La pluralité des voix, si elle vise à représenter
l'harmonie de la totalité évite aussi de tomber dans ce
piège du monothéisme qui, mal vécu et demeurant idéologique,
se confond à l'égoïsme du clan ou de la personne et
est source de bien des errements. L'évolution de la musique européenne
témoigne, précisément, depuis 2000 ans, d'une lutte
intérieure presque inconsciente entre d'une part, cette aspiration
ancestrale à harmoniser la diversité sans aucun dogme fixé
une fois pour toutes et connaissable d'avance et d'autre part, cette volonté
totalitaire de tout ramener à un système, à une règle
destinés à sécuriser le mental par une unité
de principe fatalement arbitraire et tyrannique. L'état industriel
ne pouvant récupérer et enseigner que ce qui est saisissable,
donc systématique, a favorisé depuis sa mainmise sur les
arts, cette volonté de pouvoir et donc le système ;
alors que pourtant, ô paradoxe, la création musicale la plus
authentique et la plus vivante est née de musiciens rebelles à
tout système et parfois divinement ignorants de toute vaine science...
On comprendra ici pourquoi la polyphonie de l'ère industrielle
a fatalement, par la suprématie accordée au système
rationnel, abouti au chaos, à l'éclatement de toute forme
significative : la confusion naissant à la fois, de la perte de
l'idée générale (qui ne peut être ni un dogme
ni un système car elle est toujours du domaine du symbole et de
l'affect) et de la prolifération des à priori que la volonté
de pouvoir tire de l'éclatement des apparences qu'elle récupère
en les multipliant dans sa fatale insatisfaction perpétuelle. La
musique devient mosaïque d'effets calculés, vain collage de
formes vides.... Le dernier carrefour ou la "profession de foi" de Rossini On nous a enseigné que "Rossini avait retardé l'évolution de la musique. Au point où nous en sommes aujourd'hui de cette évolution, il est permis de se demander si Rossini, ainsi que le pensaient bon nombre de ses contemporains, et même de grands penseurs précisément, n'annonçait pas comme un courant de spontanéité, de détachement et de joie légère qui devait être arrêté par ce contre-courant pesant, matérialiste, systématique et à progrès historique qui a conduit à la musique dite "contemporaine". Conflit des puissances chtoniennes et célestes Tandis que Schumann qui donna souvent libre cours à
sa haine du "sensualisme" d'Italie n'hésitait pas à
utiliser, pour composer, la dictée d'une table possédée
(Brahms a laissé un témoignage écrit de cette pratique
dangereuse), que de nombreux musiciens, et parmi eux Berlioz, se laissaient
attirer par des sujets macabres ou sordides, Rossini demandait à
son dieu de le garder de cette attraction "vers le magnétisme
et les diableries". Son dieu lui dit aussi "de ne plus composer
pour le public". C'est lui qui le déclare. Il avait aussi
déclaré : "maintenant il n'y a plus que la rapine,
la vapeur et les barricades qui les intéressent... Pour vivre,
la musique a besoin d'idéal." Y avait-il, de sa part, derrière
son "rifiuto", autre chose qu'une difficulté à
s'adapter aux "Temps modernes" ? Oui, certes. Une foi secrète
dans les destinées de la musique et qu'une longue et grave maladie
n'atteindra pas en dépit d'un comportement extérieur qui
trompera bien des étourdis... "La musique n'est pas un art
imitatif ; elle est un art incitatif ". Rendu disponible par
son rifiuto, Rossini recevait de nombreux jeunes musiciens auxquel il
prodiguait ses conseils. Rossini annonciateur désolé de la musique contemporaine Un jour qu'on lui parlait de cette musique de l'avenir dont
l'aspect quantitatif n'échappait pas aux frères Escudier,
Rossini, en guise de réponse posa son derrière sur le clavier
de son piano et puis, il se mit à genoux devant une partition de
Mozart. Cette prophétie a trouvé son accomplissement de
nos jours dans des festivals très officiels de musique dite contemporaine.
Il est nécessaire ici de rappeler aux avant-gardistes qui paraissent
l'ignorer que ce "courant d'imitation" est vieux comme le monde
et qu'imiter l'exactitude rien qu'interne de systèmes mathématiques,
si savants soient-ils, c'est encore imiter. Et rien qu'imiter. Il est
nécessaire de leur rappeler la profession de foi de ce Rossini
qu'ils ont appris à juger bien légèrement avec cet
esprit de sérieux si plein de stupeur dont ils devront se dégager
à seule fin de redevenir sensibles en toute chose à l'expression
de la grâce comme à la nécessité cosmique de
sa manifestation. Au sein de la colère, Nous voilà, avec Rossini, dans la plus authentique pratique musicale,
hors de toute morale bien pensante, comme de toute idéologie soucieuse
de refaire la musique et le monde pour son propre compte. Après ce rapide examen destiné à montrer comment
dans notre société, la musique suivant l'évolution
(l'involution) générale s'était laissé gagner
par le matérialisme ambiant, l'imitation, le système et
le chaos qui en découlent selon l'ordre naturel des choses, il
n'est pas nécessaire de contester cette musique qui se veut "contemporaine"
et qui en réalité, depuis plus d'un siècle, malgré
l'aide croissante des structures gouvernementales, est condamnée,
ainsi que cela s'est déjà produit au cours des âges,
à être contrée par la remontée irrésistible
de musiques traditionnelles, affaiblies pourtant par le temps et un oubli
parfois plusieurs fois séculaire. Cette musique n'est que l'aboutissement
d'une perte progressive de la signification et, sans entrer dans des détails
ni dans le récit d'anecdotes accablantes et révélant
l'absurdité de maintes situations musicales et le profond malaise
des éxécutants égarés dans cette confusion,
je me contenterai de rapporter le propos d'un éminent professeur
qui me confia un jour, qu'à ses élèves "entrés
dans une chapelle pour se faire jouer en faisant le singe dans le sens
voulu", il déclarait : "Tu es joué. Mais maintenant
on te confond avec ceux qui ne savent rien et font n'importe quoi". Mais la musique, messagère des dieux et aussi de l'esprit, passe où elle veut et quand elle le veut... Il y a des nécessités supérieures, relatives au devenir d'un groupe humain, d'un peuple ... ou de la terre entière, qui font passer la parole et "sa meilleure musique", la musique et "sa meilleure parole". Ces voies de la nécessité ont le pouvoir d'emprunter les canaux culturels les mieux partagés qui se présentent à elles, en les élevant de l'intérieur, en les transcendant dans le sens du message à transmettre, jusqu'à rendre la création à la fois évidente et toute neuve, sans prendre la peine de détruire les formes figées qui s'annihileront d'elles-mêmes. C'est le propre de la musique et du verbe poétique d'agir au sein de la mêlée sans se laisser saisir et de demeurer libres de faire entendre des harmonies dépassant de haut les conflits de société déclarés ou latents qui, pourtant, ont nécessité leur manifestation et leur concours. Musique, science et conscience Voici deux siècles, la nécessité précisément
fit que les savants les plus éminents s'inquiétèrent
de ce fossé déjà creusé entre la science devenue
mécaniste, en proie à l'éclatement et la conscience.
Ce désir profond de retrouver l'unité de la connaissance
donna en art, ce qu'on a appelé le mouvement romantique qui, en
musique, se révéla particulièrement créateur
puisque ses uvres ont été reçues de la masse
des auditeurs jusqu'à nos jours. Ce mouvement dit "romantique"
qui a été, que nous le voulions ou non, le dernier en date
des mouvements musicaux crédibles n'a cessé, dans les couches
profondes de notre conscience, de délivrer son cri d'alarme et
d'espérance mêlées... Quelques principes de base destinés à renouer avec l'origine La voix humaine, destinée à exprimer tous les accents profonds
de l'être et possédant la puissance du verbe, est la base
inaliénable de tout renouveau musical ; elle est l'instrument
privilégié capable d'aborder tous les genres, quotidiens,
expressifs ou plus sublimes. Créer des oasis de célébration... chez soi et dans
des lieux choisis et aménagés pour accueillir un plus grand
nombre. Tous les événements (sans âge) de la vie humaine,
de la nature entière et du Ciel peuvent encore nous inspirer des
musiques, des hymnes, des danses destinées à se manifester
à la fois dans la demeure de l'Éternel et dans notre maison
d'aujourd'hui, dans notre jardin, dans notre présent ainsi vécu
et chanté ensemble, sans passéisme ni révolte. Transformons
notre nostalgie en premiers saphirs et émeraudes taillés
par nous pour le temple du devenir. |
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